Les sœurs cisterciennes de Provence
En 1144, des moines venus de l’abbaye de Morimond investissent l’abbaye de Silvacane dès son affiliation à l’Ordre cistercien, avec l’accord de la famille des Baux. Grâce à leurs connaissances en agriculture et en drainage, les religieux effectuent des travaux de bonification des terres appelées Silva Cana, c’est-à-dire « forêt de roseaux », situées entre le Luberon et la chaîne des Côtes. Les donations et la protection accordée par les seigneurs de Provence permettent à l’abbaye de se développer rapidement. En 1175, Bertrand des Baux fait construire l’église abbatiale. Il y sera finalement enterré avec sa femme dans le collatéral sud (la tombe est toujours visible). C’est également à cette période que l’abbaye est bâtie. C’est l’un des premiers monuments majeurs à utiliser la technique de la voûte brisée, qui sera ensuite intégrée lors d’autres constructions d’édifice religieux dans la région. L’intérieur de l’abbaye est dépourvu de représentation figurative, la lumière souligne la simplicité de l’architecture cistercienne, les lignes épurées et les volumes. Les colonnades du cloître sont sobrement décorées par des feuilles d’eau, typiques du style roman. En 1188, la communauté de Silvacane crée une filiale à Valsaintes, l’abbaye de Simiane, non loin d’Apt.
Malheureusement, dès la fin du XIIIème siècle, un déclin irréversible s’ébauche pour l’abbaye de Silvacane. À la suite d’un conflit, les lieux sont envahis par les moines bénédictins de Montmajour, arrive ensuite la grande peste, les grandes gelées et la guerre de Cent Ans. L’apparition de l’imprimerie touche aussi l’abbaye, enlevant aux moines leur travail de copistes.
L’abbaye est rattachée au chapitre de la cathédrale d’Aix-en-Provence en 1455 et devient l’église paroissiale de la Roque-d’Anthéron. Dégradée pendant les guerres de religion qui éclatent dans le royaume de France et abandonnée, elle sera ensuite déclarée bien national pendant la Révolution. À cette époque, le monastère est divisé en lot et devient une exploitation agricole.
En 1845, l’État rachète l’église de Silvacane et Revoil et Formigé, les architectes des Monuments historiques, travaillent à sauver le monument. Il faudra attendre 1945 pour que l’ensemble du site soit classé et acquis par l’État. Entre 1952 et 1988, des fouilles sont effectuées afin de déterminer l’emplacement exact des bâtiments monastiques, du mur de l’enceinte et de l’hôtellerie des moines. L’abbaye de Silvacane est enfin restaurée et ouverte au public.
Les abbayes de Silvacane, du Thoronet et de Sénanque ont été surnommées « les trois sœurs cisterciennes de Provence ». Elles répondent toutes à la règle dite « de l’ordre de Cîteaux » prônant la pauvreté chrétienne ainsi qu’une vie simple, faite de prière et de labeur. L’architecture romane de ces monuments est dépouillée et austère afin de ne pas distraire les moines pendant leur méditation et leur travail. Parmi ces trois abbayes, Silvacane est la plus récente, mais aussi la seule à ne pas avoir retrouvé une activité conventionnelle.